J.H. Wyman : "John et Dorian sont indissociables"

Je rappelais l'autre jour que le méchant de l'histoire apporte crédibilité au héros. Un point de vue que ne partage manifestement pas JOEL HOWARD WYMAN. Il a conçu ALMOST HUMAN avec en tête un autre paradigme.

Je veux parler des gens et de leurs relations. Je connais des scénaristes qui excellent à montrer des trucs fantastiques à l'écran, moi, je ne sais pas. Ce qui m'intéresse, c'est faire réfléchir à partir de métaphores. Je travaille comme ça, je l'ai toujours fait. Je ne vais pas dire que c'est la norme, mais je suis incapable de faire autrement. J'ai aussi besoin de savoir comment l'histoire se termine avant de raconter ce qu'il y a entre les deux. Quand j'ai posé les bases de la série, je voulais parler de la technologie, parce que j'en ai un peu peur, et de ces cinq flics qui évoluent dans un monde qui a évolué. Est-ce qu'ils sont fascinants ? Pourquoi ont-ils choisi de faire ce métier. Si la police n'est pas capable d'avoir les mêmes capacités technologiques que les criminels, on est face à un problème. Ce sont des gens d'une bravoure incroyable qui sont prêts à mourir pour que nous puissions vivre sans avoir peur. Je les admire. Je veux montrer un monde qui risque de perdre son humanité s'il n'y prend pas garde.

Vous l'aurez compris, le méchant de l'histoire n'est pas l'INSYNDICATE ou le criminel lambda de chacune des enquêtes de la semaine, mais l'univers dans lequel évolue le détective JOHN KENNEX et ses collègues.

Fringe m'a beaucoup appris. On nous a reproché le monstre de la semaine, parce que Fringe rappelait X-Files au début. Almost Human est une série policière. On n'a jamais reproché à NYPD Blue de suivre une nouvelle enquête toutes les semaines ! Les méchants présentent un intérêt, mais ce n'est pas ce que je veux faire parce que je trouve qu'ils manquent de réalisme. L'Insyndicate, c'est un peu comme la Mafia russe ou albanaise, comme les Hells' Angels ou Satan's Choice, les exemples ne manquent pas. Ils sont tous dangereux de façon différente. Je n'avais pas envie que ce soit ce qui définisse la série. N'importe qui peut à un moment donné s'emparer d'une technologie susceptible de détruire l'humanité. On a l'impression que la technologie nous rapproche parce qu'on peut communiquer avec quelqu'un à l'autre bout du monde mais on oublie de parler à son voisin. Je pense que la technologie rapproche ceux qui sont éloignés mais elle nous éloigne de nos proches. Pour moi, c'est le vrai problème. Si on ne communique plus que par texto, comment savoir ce que ressent l'autre ? Je ne dis pas l'iPhone est le problème. La technologie nous a fait entrevoir une utopie merveilleuse, à raison. Il ne faut pas s'en servir n'importe comment.

Pourtant, l'un des deux héros de la série, l'androïde DORIAN, n'est que technologie alors qu'il a des caractéristiques bien plus humaines que certains autres personnages de la série.

Il représente le côté positif de la technologie. Je me suis beaucoup intéressé à un mouvement appelé Singularité *. Au final, l'homme et la machine ne feront plus qu'un. Or il nous a fallu très longtemps pour arriver à gérer nos émotions, la mort, l'injustice, par exemple. Et nous voulons fabriquer une machine à notre image. Nous ne sommes ni Dieu ni l’Évolution. Donc c'est difficile pour Dorian, parce qu'il a sauté toutes ces étapes. Il ne sait pas vraiment comment il doit réagir, il ne comprend pas bien toutes les réactions humaines, il essaie de savoir comment fait un être humain. Il a conscience d'être une machine, qu'il est artificiel. Mais en même temps, ce qu'il ressent est réel. Il n'a pas plus demandé à exister qu'un être humain à naître.
John et Dorian ont une dynamique intéressante en ce sens que Kennex a vu son univers bouleversé alors qu'il a toujours suivi les règles. C'est pour ça qu'il se méfie de la technologie. Ils auront des hauts et des bas mais ils finiront par être indissociables. C'est un cheminement qu'ils vont avoir ensemble basé sur la confiance. Pour moi, c'est exactement ce que décrit la Singularité. Il faut rester vigilant face à la technologie, conserver cette éthique indispensable. John et Dorian finiront par ne plus faire qu'un.

C'est sans doute ça la vraie métaphore de la série.


SOURCE  :  IGN UK d'après l'article de Roth Cornet


* La singularité technologique est un concept selon lequel à partir d'un moment de son évolution technologique, la civilisation humaine connaîtra une croissance d'un ordre supérieur. Le progrès deviendrait l’œuvre d’intelligences artificielles avec pour conséquences des changements tels que l'humanité perdrait tout contrôle.